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de Ramius

                   



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Encore un texte random chelou
Alors que je suis censé avoir du boulot à côté, en plus.
Blague à part, ce texte-ci vient tout droit des sous-genre musicaux qui m'influencent en ce moment. L'idée de départ est le genre de canular qu'on pourrait faire passer pour une théorie du complot, et je me suis légèrement emballé en la traitant, si bien que je n'ai théoriquement pas fini (j'ai juste bricolé une fin qui ne prenne pas la semaine parce que flemme). Bref.
Bonne lecture !
enfin si j'assumais vraiment mon côté putaclic je promettrais un cookie gratuit à quiconque trouvera le titre de la madame en premier, mais bon.

Quand j’étais petit, ma mère me disait toujours d’être poli envers les gens, de ne pas voler leur montre et de faire mes lacets proprement. Respecter deux de ces consignes aide à bien mieux enfreindre la troisième, bizarrement.

Mais ça va faire deux minutes que je me bats avec des bouts de ficelle en plein milieu de la rue, il serait temps de changer de poste de guet. Au bout d’un moment, ça devient suspect de rester toujours devant le même magasin.

Et puis tout juste quand je me relève, je vois une jeune dame assez charmante sortir du magasin. Ce qui m’intéresse, c’est le porte-monnaie que je l’ai aperçue déposer dans son sac à main. Il n’est pas plat comme les porte-cartes qu’on fait de nos jours : c’est une bourse de grand-mère, joufflue et rebondie. Quelques piécettes à voler, ça remboursera au moins le début de ma journée.

Je me relève donc négligemment et commence à marcher au même rythme qu’elle. Comme je suis de l’autre côté de la rue, je dois prendre le risque de la perdre du regard — et surtout attirer son attention. Si elle se méfie et vérifie que je ne la regarde pas, elle n’y fera plus attention quand elle ne me verra plus.

Depuis le temps, je piste les gens presque automatiquement. C’est mon père qui m’a appris, mais il faisait tout à l’instinct. Et il avait un vrai don pour précéder sa cible et deviner dans quelle ruelle obscure elle allait passer.

Je ne suis pas à son niveau. Moi, mon atout, c’est d’étudier les gens. Leur démarche, du coin de l’œil, leurs vêtements… Aujourd’hui, ma cible est une jeune femme à l’air assuré, à la mode, un peu provoquante, qui porte ses habits comme une seconde peau et marche comme sur un podium… Elle en fait trop. Elle projette son image autour d’elle. Dedans, il n’y a rien, et quand elle se retrouvera nez-à-nez avec un homme tenant un couteau, elle ne parviendra qu’à hurler. Ce qui ne servira à rien dans les ruelles : le temps que quelqu’un de bien intentionné la rejoigne, son sac à main sera caché dans ma besace, et je n’aurai plus qu’à perdre leur filature dans la foule.

Je lis peut-être un peu trop de romans d’espionnages. Mais bah ! du moment que ça marche. Je n’ai jamais eu un seul problème avec mes rapines, parce que je sais choisir les cibles qui ne sauront pas me faire de mal.

Mon père n’a pas eu cette habileté. Un jour, on lui a fait le coup du lapin à la fin d’un pugilat Depuis, c’est moi qui protège la famille des voleurs en costard.

Sans trop que je n’y prête attention, nous avons tourné, dans la partie renfermée et obscure du centre-ville. Ce n’est pas la capitale, ici, nous avons des chemins de traverse partout. Depuis le temp, les gens devraient savoir qu’ils grouillent de voleurs !

J’ai pris mes distances avec ma cible, enfin, un peu. Pour me donner l’air suspect. Les gens suspects inspirent plus de crainte, et quelqu’un qui a peur ne réfléchit pas. Logique, non ? Maintenant, je marche à grands pas, et chaque fois que ma cible disparaît au coin d’un mur, je m’élance pour un petit trot silencieux. Un peut comme si j’étais un joggeur.

On peut avoir l’air suspect pour une personne, et normal pour toutes les autres. Je finis par rattraper ma cible, et je sens presque la peur émaner d’elle.

Elle s’est retournée juste après avoir tourné dans cette petite impasse fleurie. Elle s’est adossée au mur, une main dans son sac, une autre crispée dessus, et me regarde de côté. Je dois dire qu’elle tape dans l’œil… c’est l’avantage de cibler des jeunes femmes pensant un peu trop à leurs habits et pas assez à leur sécurité ! Ceci dit, elle ne fera pas plus. Mes lunettes de soleil ne me protègent peut-être pas des jolis brins de filles, mais contre les bombes au poivre, c’est très efficace.

Après, elle pourrait avoir du gaz lacrymogène dans son sac. Mais j’en doute.

Il est temps d’y mettre les formes. Je m’accroupis devant elle et tire mon couteau de ma chaussure droite. Je vois son frisson d’horreur — elle s’est détachée du mur. N’aie crainte, ma jolie, je n’abîme pas les fleurs. Et puis avec la nervosité qui tord tes traits, tu n’as plus rien de séduisante.

Elle recule, vers le fond de l’impasse. C’est un mauvais choix, mais en a-t-elle un autre ? J’avance. Pas plus vite qu’elle, ça ne se fait pas. Un pas pour un pas. C’est comme une danse, et je dois rester à distance pour ne pas briser l’harmonie. Jusqu’au moment où je trancherai la lanière de son sac et le lui arracherai ; et ce genre d’effusion de violence devrait la prendre de court.

Voler, c’est facile, quand on choisit la bonne cible.

Ses talons claquent contre le mur. Je m’arrête, courtoisement. Elle ne reculera pas plus loin maintenant qu’elle est dans son ombre. Maintenant, elle va peut-être hurler. Et pendant qu’elle pensera appeler à l’aide, elle se rendra plus vulnérable. Alors j’attends qu’elle me donne ce signal.

Mais il ne vient pas. La tension sur ses traits se mue en quelque chose d’autre, plus résolu, plus déterminé. Elle crispe le bras. Elle va sortir sa bombe au poivre. Mais pour s’en servir, elle devra faire un pas vers moi, et je ferai de même. Elle devra aussi lâcher son sac. Et ne pas laisser glisser le tube métallique sur lequel sa paume sue depuis tout à l’heure. Comme quoi bien terrifier sa victime est crucial.

Elle sourit. Elle tire une faux de son sac à main.

Elle fait un pas vers moi, et je recule, décontenancé. Comment ce machin interminable peut-il tenir dans son sac ? Les paysans ont inventé le Tardis pendant que je volais les bourgeois ou quoi ? Et puis qui se sert encore d’une faux pour faire les foins ?

En tout cas, cette espèce de machin qu’elle balance négligemment dans sa main gracile a bien plus d’allonge que mon couteau minable. Impossible de l’approcher.

Je recule d’un pas, elle avance d’un autre. Pris à mon propre piège.

Je ne suis peut-être pas en face d’une voleuse. Plutôt une illusionniste. Une femme capable de se cacher dans une coquille vide et de sortir une faux de derrière son dos sans que personne ne le remarque. Bon. Dans ce cas-là, autant discuter… malgré la boule qui me serre la gorge. J’ai l’impression que l’atmosphère est de plomb (et je l’ai sans doute cherché, oui).

« Ahem. Bonjour madame. »

Le manche de la faux glisse de quelques centimètres dans sa main. Elle n’est plus à l’équilibre, maintenant, et le poignet gracile se raidit pour assurer sa poigne. D’accord. Augmenter son allonge est-il une réponse à un bonjour ?

Allez. Je me lance à l’eau.

« Vous avez un joli sac à main, si je… hem, si je puis me permettre. J’avais l’intention de vous le voler, mais bizarrement, j’ai l’impression qu’il va mieux sur vous. Ça ne vous choque pas trop, j’espère ? »

Elle me regarde un instant. Puis elle ouvre la bouche, et sa voix grave me fait sursauter.

« Pas tellement, mon garçon. J’en ai vu beaucoup qui étaient plus brutaux, plus distingués, plus téméraires ou plus lâches que toi. Certains, tout cela à la fois. »

Elle agrandit son sourire, pendant que je ne sais pas trop quoi dire.

« Tu devras de lever de bonne heure si tu veux sortir du lot, reprit-elle en posant négligemment sa faux sur son épaule.

— Oh. Eh bien. J’essaierai de m’acheter un réveil dans la semaine. Mais je ne vous cache pas que ça m’arrangerait si vous vouliez dire « à l’aube » pour « de bonne heure ».

— Autant au nord qu’ici ? Non, ça ne fera nettement pas l’affaire. »

Elle balança la faux en cercle, me faisant bondir en arrière — et elle avança d’un pas avant de poser son outil par terre, la lame au sol, et de s’appuyer sur le talon. Enfin. Le talon c’est pour une lance, ça se dit pour une faux ?

« Si vous permettez que je vous pose une question qui n’a aucun rapport ? Ça se dit, le talon d’une faux ? »

J’aime pas parler affaires. J’ai l’impression d’être en face d’une voleuse en costard en encore plus chic et j’ai horreur de ça.

« Pourquoi pas ? Ce n’est pas comme si le nom avait de l’importance. »

Il faut croire que je n’ai pas intérêt à lui demander le sien !

« Ce n’est pas tout, reprend-elle en faisant un pas vers moi. Tu auras remarqué que tu as un petit problème.

— Oh, ça ? je fais sans vraiment arriver à m’en convaincre. C’est trois fois rien ! Haha, vous l’avez dit vous-même, je suis au milieu du panier. Je sursaute à chaque fois que je vois cette faux bouger— »

Aaaah bon sang elle l’a fait. Allez — on ignore la menace et on termine, il faut que je me barre d’ici en vitesse !

« Gloups. Enfin vous voyez, quoi. La prochaine fois que vous la pointerez sur moi, vous pouvez être à peu près sûre que je fuirai en courant. Comme n’importe qui de sensé ! »

Et elle laisse planer un petit rire, un rire aérien et gracile. Un rire qui a l’air un peu forcé. Cette paysanne du Tardis avec une faux d’il y a trois siècles me met de plus en plus mal à l’aise. Clairement, c’est elle le prédateur, maintenant, et j’attends qu’elle donne le signal de courir… et je ne sais pas pourquoi — j’aurais dû me barrer dès que j’ai vu cette faux, bon sang…

Mais elle ne va quand même pas me planter avec, hein ?

Elle se donne des airs de psychopathe et fait voler sa faux comme si ma tête était un épi de blé, mais elle n’ira pas jusqu’à me tronçonner avec, si ? Personne n’a les tripes de commettre un meurtre de sang-froid en pleine rue… si ?

« Tu pourrais fuir, oui. Mais crois-en tous les prétendants qui m’ont cherchée : on ne me fuit pas. Que tu me cherches ou que je te poursuive, ça se termine toujours pareil pour toi. »

Bordel de Dieu, mais dans quel guêpier je me suis fourré… Si cette fille est la psychopathe qu’elle prend visiblement plaisir à jouer, je suis peut-être bel et bien mort.

Je tente de cacher ma trouille derrière la provocation. Mais je suis pas un de ces types capables de regarder la mort dans les yeux et de la défier, bon sang…

« Oh, mais c’est parfait ! Si nous réglions plutôt ça à l’amiable ? J’ai peut-être un constat d’accident sur moi, et au pire on peut en improviser un…

— Les contrats n’ont pour valeur que celle que tu leur donnes. La seule valeur à peu près universelle est celle que les gens accordent à leur propre vie. »

Je recule, intimidé — cette fille est définitivement dingue, il faut que je me casse. Mais je n’ose pas la quitter des yeux. Tant que je ne la vois pas bouger, tant qu’elle laisse augmenter l’écart entre nous, je suis en sécurité. Enfin, au moins j’en ai l’impression.

Mais quand elle bouge, elle n’a plus rien de la coquille vide et superficielle qu’elle joue si bien. J’ai le temps de sursauter, de remarquer qu’elle court vite, de plier à moitié un genou pour bouger le pied, et puis soudain un coup de vent me siffle à l’oreille et je sens l’acier de sa lame contre ma nuque.

« Ah, c’est marrant ! »

Merde ! La bravade m’a échappé — trouver quelque chose pour la terminer, vite !

« Parce que, enfin… Les gens racontent plein d’histoire à propos de héros qui donnent leurs vies, tout ça… vous voyez peut-être — genre, ces preux chevaliers qui retiennent l’ennemi sans espoir de s’en sortir eux-mêmes ? Juste pour que leurs compagnons survivent ? »

Elle ne sourit plus, maintenant… Mais je continue — j’ai peur de faire dans mon froc si je ne lui tiens pas tête.

« Tenez, vous connaissez Games of Thrones ? Vous voyez Hodor ?

— Ces héros, comme tu dis, sont insupportables. La vie n’a pas une valeur universelle pour eux, ce qui entre en contradiction totale avec mon travail. »

Mais c’est quoi cette tarée… Mais sur qui est-ce que je suis tombé, bon sang !

Et puis tout d’un coup, elle relève sa faux et la glisse dans son sac à main — d’abord la lame, et puis l’ensemble du foutu truc beaucoup trop grand pour tenir là-dedans. Il ne m’en faut pas plus : je tourne les talons et pars en courant.

Un croche-pied me projette par terre après trois pas.

« T, t, t… proteste-t-elle. Pas si vite, voyons. Avant de partir, tu vas passer un marché avec moi. »

Je me tente de me retourner, histoire de pouvoir au moins la voir en face, mais je sens un talon se poser sur mon dos et me plaquer au sol. J’ai beau me crisper de toutes mes forces, impossible de la déstabiliser. Il fallait que je tombe sur une psychopathe qui a fait des arts martiaux…

« C’est très simple, en vérité. Tu as cherché à me voler, eh bien tu iras jusqu’au bout des choses. Je te donne une semaine, jour pour jour. Si dans une semaine tu n’es pas parvenu à me dérober un objet, quel qu’il soit, je te donnerai un exemple dont tu ne remettras pas.

— Bordel, mais vous êtes qui ! je hurle.

— Tu as une semaine pour l’apprendre. Tiens, d’ailleurs… Tu peux tenter de me voler mon nom, ça compte. Mais mon titre, non. »

Je sens son pied qui cesse de m’écraser les côtes. Je reprends mon souffle, haletant — le temps que je me relève, elle est à l’autre bout de l’impasse et elle disparaît à l’angle du mur.

Bon sang.

Et puis tout d’un coup l’évidence me frappe. Je dois la suivre ! Si je la perds, je n’ai pratiquement aucune chance de la retrouver par la suite, alors que si je peux apprendre où elle habite, je pourrais la cambrioler. Ou bien la prendre en filature toute la semaine. Mais je ne dois pas la laisser là !

Alors je m’élance, mes pas résonant dans l’impasse muette. Je cours après une folle qui a une faux dans son sac à main et des raisons de m’en vouloir, mais si je n’ai qu’à lui voler quelque chose pour ne pas avoir à nouveau affaire à elle dans une semaine… Je prends le risque !

Mon père a toujours volé brutalement, c’était tout ce qu’il avait faire. C’est ce qui l’a eu, à la fin. C’est pour ça que j’ai appris à faire preuve de discrétion si nécessaire.

Je m’en fais la promesse : dans une semaine, cette fille viendra me chercher d’elle-même, et me trouvera en train de jouer négligemment avec n’importe laquelle de ses possessions, qu’elle n’aura pas vu disparaître. Et je survivrai.

Pour un peu, je pourrais presque appeler ça une course avec la mort... Brr.
Article ajouté le Dimanche 22 Novembre 2020 à 17h19 | |

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