Un classique : les explications tout le monde s’en fout, alors je les mets sous spoilers ! Oui j’ai eu la flemme d’aller chercher plus loin.J’ai toujours eu l’impression de pas trop aimer les descriptions et d’essayer de les éviter un peu. J’ai récemment commencé à écrire une fic qui bouffe de la description matin, midi et soir, et relu un cycle de SF qui fait bouffer de la description matin midi soir, et dans les deux cas non seulement ça ne m’a pas déplu comme j’aurais pensé, mais en plus ça a généré des vitesses de lecture et d’écriture assez folles. Je parle de 500 pages lues/jour et de 3000 mots écrits/jour, c’est dire ! Enfin je ne me sentais pas complètement à l’aise à l’écrit, et je suis revenu en arrière deux ou trois fois pour ajouter des descriptions auxquelles je n’avais pas pensé parce que j’avais besoin de combler un peu le chapitre.
Bref, je me suis lancé un petit défi. Utiliser un générateur de mot aléatoire pour faire une description par jou— ok c’est un peu comme un Drabble en fait, mais je n’ai jamais eu la moindre régularité avec les Drabbles : soit je trolle, soit je dépasse les 100 mots. Donc ici, pas de contraintes : juste un mot par jour, et une description, peu importe la longueur. J’arrête quand je trouve qu’il y a assez.
(Ça, c'était la semaine dernière. Semaine de huit jours. Il y a quatre textes. Hum mouais.)
MutationC’est une petite boule de chair vert kaki, vert-de-gris. À ses extrémités, il y a de petites excroissances plus claires, une qui rejoint la tige, et trois en face. La partie centrale est irrégulière, sa peau laisse deviner une texture granuleuse qui trompe joyeusement son monde. En fait, elle est croquante et fibreuse, un peu comme une Mepo. Mais la comparaison s’arrête là : la Mepo, on la cultive en masse, alors que celle-là, on ne sait pas trop quel goût elle a. Sucré, acide, amer ? Pas sec en tout cas, elle a plutôt l’air juteuse. Difficile de savoir avec une Baie plus qu’à moitié légendaire. Pourtant on la retrouve régulièrement, la Rangma, au gré des mutations entre plants.
CarpeLe gamin regardait le ruisseau, émerveillé. Dans l’eau claire se voyaient des galets lissés par des siècles d’érosion silencieuse, de longs filaments d’algues d’un vert soyeux, des gravillons plus sombres, un peu de terre ; le courant jouait avec ces figures, les déformant d’une ridule à la surface de l’eau. Par ici le flot générait des collines et des vallées, là il se striait de rides parallèles, ou en V ; et sous ce voile transparent, le fond du ruisseau se troublait et chatoyait. L’eau pourtant était sans trouble : claire, froide et agitée comme l’aimait les carpes. Leurs fuseaux luisants d’écailles filaient çà et là dans le flot, cherchant sans doute quelque chose à manger. Elles ouvraient de grands yeux étonnés et des bouches béates, comme si elles partageaient l’émerveillement de l’enfant.
Torsion Disons que celui-ci est plus brutal que les autres.L’officier de logistique est un con.
D’accord, le vent a joué aussi. Mais pas d’officier pas de problème. Revenons sur les faits. Hier matin, l’armée devait franchir le fleuve Kthoar. On a envoyé des tanks en avant-garde, qui ont coupé la circulation à l’autre bout, après quoi les troupes ont emprunté le pont comme prévu par l’officier : les hommes sur la double-voie de gauche, les véhicules sur la double-voie de droite. Pas de consignes supplémentaires, non.
Au début, c’était très joli. À droite, un défilé ininterrompu de véhicules plus ou moins rapides ; chars d’assauts aux chenilles emmaillotées de tissu pour ne pas trop abîmer la route (le pays conquis devant devenir une province pas trop coûteuse à réparer), blindés rapides se pavanant à quatre-vingts kilomètres-heure sur la voie de gauche limitée à soixante-dix, lourds camions de ravitaillement n’hésitant pas à se dépasser les uns les autres, porte-missiles tactiques, tout le barda d’une armée en campagne. À gauche, les soldats défilaient, au pas ; milliers de bottes martelant en cadence le tablier du pont, uniformes resplendissants et médailles brillantes pour que les agents de renseignement d’en face se brûlent les yeux à essayer d’estimer les forces en présence. Ce sont cent mille soldats qui franchiront ce pont !
Et puis ça a commencé à légèrement tanguer. Billy s’est plaint d’avoir le mal de mer, comme à chaque fois qu’il a un pied dans une barque, un hélico ou une bagnole un peu vieille. On a bien rigolé à gauche du pont, mais quand les soldats ont plus ou moins tous commencé à ressentir une vibration, certains vétérans ont commencé à se dire que, peut-être, si on leur avait fait traverser plusieurs ponts sans marcher au pas, ce n’était peut-être pas pour leur confort.
L’officier de logistique avait dit, explicitement, qu’il ne voyait pas pourquoi ne pas marcher au pas. Ça ferait de l’entraînement aux soldats pour le défilé de victoire.
Chaque fracas de bottes faisait nettement ployer le tablier, maintenant ; puis il se relevait, poussé par le vent. Il oscillait comme une gigantesque corde à sauter. Le pont tanguait. Les vétérans parvinrent enfin à désorganiser quelques soldats autour d’eux ; mais c’était bien trop tard. La majorité croyait voir l’effet du vent et ne fit rien, jusqu’à ce qu’un mouvement plus brusque que les autres force tout le monde à se baisser pour ne pas tomber.
À gauche, les blindés rapides glissèrent sur la largeur du tablier désormais incliné, les camions se déportèrent, les bandes de tissu des tanks se déchirèrent comme leurs porteurs dérapaient. La masse d’acier heurta le parapet central du pont, le déséquilibrant encore plus ; le vent souffla plus fort, ajoutant sa pression à celle de l’armée.
Dans un grincement de métal atroce, le tablier se gondola comme un ressort sur le feu ; la torsion éclata comme un coup de feu, retournant proprement le pont et précipitant des milliers de soldats dans le vide.
Ils s’écrasèrent une cinquantaine de mètres plus bas, rougissant les tourbillons du fleuve sous le pont qui se balançait en cadence, résorbant lentement sa torsion.
Le vent redoubla ; le balancement du pont continua sans faiblir pendant quelques secondes ; et puis soudain le tablier cassa dans un claquement formidable. En diagonale ; des fissures de la taille d’un homme coururent tout de même sur toute sa surface, et avant cinq secondes les débris du plus grand pont du monde tombèrent vers le Kthoar, sous les yeux terrifiés des rares survivants ballotés par les flots. De cent mille, il n’en est resté que vingt. Tout pile le bon nombre.
On a pas pu faire grand-chose à ce désastre. Y’a juste un con de moins dans l’armée, il est passé en cour martiale hier soir. Je lève mon arme, obéissant à l’ordre du général. Il hurle presque l’ordre suivant. Je hurle aussi, intérieurement.
Celle-ci est pour Billy, abruti !
FurieuxLe chauffeur passe la marche arrière, doucement. Comme si la bête pouvait le sentir faire.
Le rhinocéros a traversé juste devant le nez de la jeep du safari ; il a fallu piler dans un grand crissement de frein. Maintenant, c’est quitte ou double : le chemin de terre battue sur lequel le véhicule est venu ici ne lui permettra pas de faire demi-tour.
Si c’est un mâle, ou une mère seule, pas de problème. Si elle protège un petit, elle chargera. Le chauffeur place ses pieds au centre des pédales d’embrayage et d’accélération, en soutenant le regard du monstre carapaçonné de chair grise. L’œil du rhinocéros n’est pas capable d’avoir l’air conciliant ; cette petite bille noire, luisante, coincée entre la corne frontale et la bouche aux lèvres rugueuses comme un bec, ne sait que fusiller du regard. Une patte racle le sol, avec une lenteur menaçante.
Soudain le petit rhinocéros émerge à son tour des broussailles qui entourent la piste, traversant joyeusement devant sa mère.
Le chauffeur embraye souplement et lance le moteur à fond ; le rhinocéros n’a pas attendu cet emballement pour considérer le ronron mécanique comme une menace, et elle fait volte-face — si on peut appeler ainsi cette rotation de sa lourde masse. Le temps qu’elle s’élance, la jeep a près d’une vingtaine de mètres d’avance.
Mais la broussaille alentour est trop tenace, impossible de sortir du chemin. Le chauffeur est obligé de tenter de distancer la mère le temps d’atteindre un virage où elle le lâchera ; mais le plus proche est à un bon kilomètre. Le moteur rugit agressivement.
Elle charge ; c’est comme un roulement de tambour souterrain, calé sur le rythme frénétique de ses quatre pattes qui martèlent le sol et y lâchent un poids de près d’une tonne chacune. Toute la masse de chair grise tangue follement d’un bord sur l’autre ; le rhinocéros se fait presque serpent quand il charge, à force d’onduler latéralement. Mais la corne pointée en avant ne vacille pas, et trace une ligne droite aussi tendue et mortelle qu’une balle de fusil.
Le moteur est à son rendement minimum, en marche arrière. Il ne peut pas dépasser une trentaine de kilomètres/heures ; malgré son profil de poutre et sa masse éléphantesque, la mère rhinocéros est parfaitement capable de tenir le rythme. Voire de rattraper la jeep. Alors les passagers blêmissent, au fur et à mesure que la pétarade du moteur s’essouffle et que le tonnerre de la charge se rapproche, bien visible par le pare-brise…
29/06 : MachineL’ensemble des élément métalliques sont d’un jaune doré, sauf indication contraire. Les dents des engrenages, les axes et les roues sont gris clair.
Au centre du dispositif, le disciple est arc-bouté sur une trottinette rouge. Il s’échine de toutes ses forces sur un tapis roulant placé sous son pied droit. Ce dernier est tendu entre deux rouleaux, dont les axes traversent aussi les roues de la trottinette avant d’aller s’encastrer dans quatre montants triangulaires, vissés au sol par quatre points chacun. Les roues sont donc en mouvement. L’axe de la roue avant, sur la gauche du disciple, se termine sur un engrenage, qui entraîne un piston, lequel entraîne à son tour un jeu d’engrenages.
Ce jeu est disposé au sol, devant le disciple et un peu sur sa droite. C’est une boîte de vitesse : il y a deux axes, portant chacun quatre roues à bord lisse, de plus en plus petites. Les roues forment ainsi deux cônes grossiers, mis en opposition. L’un des axes entraîne le second grâce à une bande de caoutchouc qui relie deux roues. À la sortie du dispositif, un régulateur à boules précède un nouveau montant, qui porte encore une roue. Nous sommes maintenant nettement sur la droite du disciple, au niveau du sol, et toujours autant devant lui.
La roue supporte une bande de roulement, qui entraîne une nouvelle roue, supportée par un montant hors-cadre. L’axe de cette dernière roue est relié à celui de la roue arrière du tapis roulant du disciple. (Utilité/20.) Entre les deux, un vilebrequin entraîne une longue poutre mécanique, qui monte vers le bord d’un engrenage aussi grand que le disciple et placé au-dessus de lui. (Au passage, qui a appelé un maillot de bains « vilebrequin » ? Qui a eu cette idée ?)
Cet engrenage géant est supporté par une grande structure métallique formée de deux pièces triangulaires se faisant face : elles jaillissent d’une dalle métallique carrée, d’environ un mètre cinquante de côté, vissée au sol, et s’élèvent à peu près à cinq mètres. Il y a tout un jeu d’axes invisibles reliés à ces montants. D’un côté, l’engrenage géant entraîne deux pièces plus petites (tout de même larges comme des assiettes et épaisses d’une vingtaine de centimètres) ; l’axe de la seconde porte un moulin à vent, placé dans un courant de fumée entre, en bas, un tuyau doré qui rejoint la face arrière des montants, et en haut, un entonnoir se poursuivant en cheminée à travers le plafond en bois de la pièce.
Un peu au-dessus de l’arrivée de ce tuyau dans la structure, un réservoir pressurisé cylindrique et horizontal bleu laisse échapper un autre tuyau, gris sombre. Celui-là file vers un second réservoir,gris sombre, accroché au mur sans montant visible. De là, un tuyau principal sort du champ ; un second, plus mince, grimpe vers un ventilateur de microprocesseur fixé au mur, à la sortie duquel il va se dissimuler derrière la structure ; enfin juste avant le ventilateur, un embranchement en plastique bleu rejoint directement la structure, se fixant juste en-dessous du réservoir qu’elle porte.
On devine une roue derrière l’engrenage géant, reliée par une bande de roulement à deux autres roues dont les montants saillent du côté gauche (selon le disciple) de la structure. L’axe de l’une de ces roues est relié à une structure circulaire, vraisemblablement une nouvelle roue protégée par un revêtement métallique fixe, dont s’échappe une nouvelle cheminée de section carrée. De l’autre côté, l’axe rejoint une petite roue, qui entraîne à l’aide d’une bande de roulement une dernière roue accolée à un boîtier fixé au mur par des montants gris, au-dessus de la fenêtre. Ce boîtier contient un jeu d’engrenage laissant penser à une boîte de vitesse complexe, employant des segments perpendiculaires. Par-dessous, un axe doré descend vers la table à manger en bois de Léonard : il y manipule une petite cuiller, qui toque contre un œuf à la coquille fissurée. La table se trouve donc sur al gauche du disciple, de l’autre côté de la machine.
Au niveau de la structure, sous la roue entraînée par l’engrenage géant, un axe porte un vilebrequin sans être apparemment relié au disciple. Ce vilebrequin active un piston coincé entre les deux parties de la structure, d’où s’échappent des volutes de vapeur et un tuyau en plastique gris sombre qui va rejoindre un réservoir vertical gris sombre, portant un indicateur de pression (dans le rouge) surmonté d’un sifflée et un tuyau métallique gris sombre retournant dans à la structure ; il active probablement le réservoir bleu, à l’arrière.
Sous le piston, un nouvel axe en rejoint un autre fixé en travers de la structure, dans une configuration où les deux axes ne semblent pas pouvoir s’entraîner l’un l’autre. Ce nouvel axe horizontal entraîne une roue, sur laquelle une bande de roulement rejoint une cuisinière à induction, blanche, portant une casserole où bout de l’eau. Enfin derrière cette dernière roue émerge un tuyau en plastique rouge, qui rejoint un cylindre posé au sol, d’où un tuyau métallique rouge rejoint la gazinière. Derrière ce tuyau de plastique, un tuyau métallique gris à segments émerge de la structure, serpente au sol, et rejoint un poêle relié à la cuisinière par une poutre grise. Il se trouve sur son côté, et juste à côté de la première boîte de vitesses actionnée par le disciple, et porte une manivelle sous sa porte grillagée.
Léonard dit : « Allons, disciple, un peu plus vite !... C’est que j’ai faim, moi !... »
(Trente-cinq minutes, gloups ! Désolé pour cet énorme pavé… Malheureusement, je n'ai pas retrouvé la machine en question sur internet, ni l'album où elle apparaît. Elle vient de la série
Léonard, dessinée par Turk (alias Philippe Liégeois), et il admet être passionné par les machines.)
18/07 : OmbreJ'avais rien fait depuis trop longtemps alors j'ai choisi un mot qui m'allait. En ce moment, je suis *légèrement* fasciné par ce Pokémon...La montagne tremble sur ses fondations. Dans ce temple à son sommet, deux Pokémon Légendaires révérés comme des dieux ploient l’échine devant un artefact rouge, scintillant ; et leurs pouvoirs, pour la première fois depuis longtemps, travaillent ensemble. Chacun se tient dans un disque scintillant d’énergie. Devant eux, un homme. Debout, impassible, les mains dans le dos, il contemple l’œuvre de sa vie sur le point de s’achever. Il y a la tension d’un orage sec, dans l’air, une odeur d’ozone ; l’Univers change, s’adapte aux désirs de cet homme. Un instant de pouvoir absolu…
Quelque chose change, discrètement. Sans qu’on ne s’en rende compte, une autre présence s’immisce dans le rituel.
La luminosité des spirales d’énergie baisse. La luminosité du ciel baisse, elle baisse jusqu’à un crépuscule qui se teinte de pourpre ; les trois globes lumineux qui y tournoient accélèrent follement, entament une danse chaotique. Eux aussi, maintenant, sont plus sombres. L’atmosphère s’épaissit, soudain, comme si l’orage la chargeait d’humidité. Les sons s’étouffent, le vent se calme, l’odeur d’ozone s’affadit.
C’est allé si vite… Soudain, on se rend compte que
quelque chose observe.
« Que… » souffle l’homme.
L’air se tend comme la corde d’un violon. Soudain la puissance de Palkia et Dialga n’a plus l’air de rien ; leurs pouvoirs se dispersent comme une illusion, les énergies cosmiques assemblées autour d’eux s’enfuient, terrifiées.
« Quelle chose… » murmure-t-il.
Il y a
quelque chose. Mais ça n’observe pas.
Ça se trouve bien au-delà de l’observation.
Ça n’a pas besoin de voir ou de sentir.
C’est là. Il n’y a pas d’œil pour observer, il n’y a pas d’oreille pour entendre. Il y a
la chose, et sa simple présence suffit à tout bouleverser.
Ça n’est même pas matériel.
Ça a investi le lieu ;
Ça a remplacé l’air, le sol, les colonnes, jusqu’au sang des cinq personnes présentes.
« … dégage une telle rage ? » s’alarme-t-il.
Palkia et Dialga, immobiles depuis leur invocation, tournent la tête, de concert. Comme des pantins dont le marionnettiste vient de saisir les fils. Ils regardent un point, au sol, un peu devant l’homme qui a cru les contrôler. Et puis ils échangent un regard, entre eux.
Deux divinités primordiales, qui se lancent un regard craintif comme celui d’un chien. Il y a une sagesse éternelle dans ces petites étoiles rouges qui habitent leurs orbites ; une témérité à toute épreuve, une conscience absolue de leur nature transcendante.
Mais il y a aussi l’horreur. Ils échangent tout un débat par cette simple œillade ; ils se mettent d’accord, ils écartent les options impossibles, ils se persuadent de savoir ce qu’est
la chose que le rituel a attirée. Ils le savent déjà.
Il n’y en a qu’
Un qui peut dégager une telle rage.
Les deux dieux reculent, de concert. Ils cèdent leur place, avec la précision de serviteurs. Tout respire le respect, dans leur attitude. Comme si on pouvait les foudroyer pour leur insolence, les anéantir comme des brindilles.
Et l’homme recule, lui aussi. Il est dépassé. Il a joué avec des puissances divines, il les a enchaînées à sa volonté, il a vaincu tous les obstacles sur son chemin — mais
Ça, il ne l’a pas vu venir.
C’est sorti de nulle part.
Une tache d’encre tombe au sol. Elle sort de nulle part ; tout d’un coup, il y a cette étoile noire, par terre, sur le marbre du temple. Puis une autre, un peu plus loin ; et la première s’étend ; et une autre ; et ce noir est plus qu’un simple noir, il n’en a que la couleur… C’est un puit qui absorbe le regard au point de rendre aveugle.
La nécrose s’étend au sol jusqu’à prendre une forme circulaire, de près de quatre mètres de diamètre.
Ça a décidé de prendre forme.
Et dans cette forme, toute forme est bannie. Ce n’est pas une tache, c’est une ombre. Mais là-dedans, il ne manque pas que la lumière. Il manque tout. C’est une ombre sur le tissu chatoyant de l’univers. Un trou dans le paysage, sans relief, sans aspérité, sans existence réelle.
Deux yeux s’ouvrent. Deux fourneaux rougeoyants, qui percent les ténèbres comme des phares sphériques et répandent une clarté sanguine sur les Colonnes Lances. Chacun se fige, retenant son souffle.
Quelque chose d’autre, sous les yeux, une forme anguleuse qui pourrait bien être un sourire.
Et soudain
la chose jaillit à la verticale, un pilier de néant plus imposant encore que les énormes Palkia et Dialga. Elle éclate, déployant deux ailes dentelées, maigrelettes.
« Je ne tolèrerai aucune interruption ! hurle l’homme, dément. Cette interposition est vaine ; qui que tu sois, Pokémon de l’Ombre, tu ne peux contenir à toi seul les pouvoirs conjugués du Pokémon du Temps et de celui de l’Espace ! »
L’
Ombre en a l’air tout à fait capable aux yeux de quatre spectateurs.
Elle ne s’enfuit pas ;
Elle se recourbe en arrière, plutôt, et projette soudain
Sa masse en avant. Vers l’homme qui
La défie.
Il y a un déferlement de noirceur aveuglante. Un tintement, clair et cristallin.
On gémit, on ouvre les yeux. Ce qu’on voit n’a aucun sens. L’invocateur n’est plus là ; l’attaque a tordu les colonnes brisées, les a pliées comme du carton-pâte autour de la position de l’
Ombre.
Laquelle est maintenant occupée par un vortex noir tournant lentement, au centre duquel on aperçoit un puit de brume bleutée.