Toujours par rapport à ma fanfic en projet, un nouveau petit texte ; cette fois-ci à propos de l'épouse d'un officier des renseignements, une femme respectable et respectée dans son entourage. J'en suis moins satisfait que les précédents, mais ça reste dans l'esprit.
SpoilerY a bien des jours où elle aimerait descendre de son perchoir, se mettre à la hauteur des autres dames du voisinage, participer à ces idiots commérages. Parfois ça lui pèse, toute cette condition de « grande dame ». Et tout ça parce qu'elle a épousé un bel officier du renseignement, uniforme gris, bottes noires qui claquent contre le béton et démarche martiale. Bien sûr elle ne regrette pas, mais ça pourrait être plus simple, aussi ; on pourrait juste la considérer comme une femme ordinaire, elle ne veut que ça.
Là sur ces hauteurs solitaires, elle s'ennuie ferme. S'occuper des enfants, pas le temps, y a le travail. Pas des plus exaltants, mais ça fait passer les heures qui s'additionnent, en somme. Il n'y a guère que les fins de semaine qui sont un peu profitables, et encore ; cette stupide « communauté citoyenne » que les autres appellent le club de lecture, ça aussi, c'est plus une contrainte qu'un loisir. Elle s'en passerait avec joie, mais après ?
Qui serait là pour lui tenir compagnie ? Pas les gosses en tout cas, chaque dimanche on les refourgue à la tante ou à l'un des voisins ; trop envahissants parfois, et puis surtout ils aiment l'espace, y en a jamais assez à la maison. Et Erich alors, lui le weekend, qu'est-ce qu'il fait au juste ? Toujours à remplir de la paperasse dans son bureau ; corps à la maison mais esprit au boulot.
La main en visière, installée sur une chaise longue dans son jardin, madame profite de l'air calme d'octobre, qui tournera bientôt à une brise froide. Pour le moment le soleil a le nez dehors, mais pour combien de temps ?
Helen sent son propre ciel s'assombrir, sous les impressions ternes et le manque permanent de compagnie, en dehors des deux, trois occasions inutiles qu'elle peut avoir. Demander des heures sup' le dimanche, pourquoi pas après tout... pour ce qu'elle en fait, de cette septième journée ! Sa semaine à elle, elle n'a que six jours au fond.
Là-bas, du côté du centre-ville, le long de la route bordée de grands pavillons, une silhouette se découpe dans le fond bleuté du décor. La forme sombre progresse lentement, poussant un fardeau. Puis arrive à sa hauteur ; une jeune mère avec son bébé en poussette, sourire aux lèvres et joie au coin des yeux.
Madame à tête blonde se sent presque repartie à la fin des années trente, quand elle aussi poussait sa fille aînée, toutes deux débordantes de joie, sur le pavé frais des nouveaux quartiers. Douce réminiscence qui l'attire loin de l'ennuyeuse réalité. Sans raison elle se lève, le pas un peu chancelant mais qu'importe. Marche vers sa cadette, l'interpelle, blanc sourire empreint de vie.
« Si ça vous dit, peut-être... voulez-vous venir prendre le thé ? »
La plus jeune bat des paupières un instant, semble considérer la proposition. Comme tout un chacun dans le quartier, elle connaît la réputation de l'autre ; Helen Wegener, « reine mère » des banlieues aisées. Cependant ce n'est pas cette femme qu'elle a en face d'elle en ce moment. Rien d'une figure d'autorité, non, juste le visage doux-amer de la sincérité.
Article ajouté le Mercredi 07 Juin 2017 à 10h31 |
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