Toujours dans le cadre de ma fic en projet, un texte au sujet du personnage précédemment présenté — le cinéaste au nœud pap' vert —, qui consiste en son interaction avec l'antagoniste majeur de l'histoire.
Spoiler« En somme, z'êtes un loup solitaire vous, le genre de loup au poil terne qui rôde dans les steppes arides.
— Dois-je le prendre comme un compliment ? » s'interroge ledit loup des steppes, sourcil grisonnant levé et curieux.
L'autre hausse les épaules, dans un mouvement mollasson, sans intérêt ni énergie ; mouvement économique, dépense minimale et gain optimal. Les deux émeraudes malaisées changent de direction, pour s'imprégner de la lumière tamisée qui s'échappe du projecteur au sol, sur la scène où la danseuse s'active. Jolie la danseuse. Pas exceptionnelle, trop banale avec son rouge et ses boucles blondes, mais ses courbes lisses lui font honneur. Le cinéaste se l'avoue sans détour, il ne dirait pas non à un entretien plus approfondi avec ces lignes douces et incurvées.
« On m'a dit un jour, reprend la tête blanchâtre, que le cinéma n'est après tout qu'un moyen d'échapper à un quotidien sans vie pour assister à celui d'un autre. En un sens les films, ce sont comme des rêves, on y croit le temps que ça dure et puis quand c'est fini, on revient à la vie. »
De toute façon le cadet ne répond toujours pas. Allume une cigarette, en tire une longue bouffée odorante et se la fiche derrière l'oreille. Peu importe qu'elle soit en train de se consumer, elle reste là, en suspens contre la chair livide, pas loin des fils noirs et courts rendus rutilants par une quelconque lotion. Un faux mouvement et le cheveu brûle, le cinéaste le sait mais est bien trop distrait pour y accorder quelque attention. Fait insignifiant, rien de plus rien de moins, comme la voix si agaçante, mielleuse de son vis à vis. La voilà qui revient d'ailleurs à la charge.
« Monsieur Clifford ? Vous m'entendez ? »
D'un geste vif la main experte récupère la cigarette, la porte aux lèvres exsangues qui en aspirent la fumée. Les prunelles mortes s'animent et se promènent sur la face marquée par le temps, sur les cheveux virant au blanc. Bientôt la fumée est expirée, le bras se détend et le sourcil noir du plus jeune se fronce, creusant sur le front le pli soucieux de la perplexité.
« Z'êtes encore là, vous ? Je vous avais cru parti. »
Monsieur l'Illustre veut l'éviter, mais voilà que son visage lui désobéit pendant une fraction de seconde. Laisse entrevoir la surprise causée par la distraction de l'autre ; que voici un homme intéressant ! Il n'y a pas à dire, plus mort que vivant, mais tellement plus vivant que tous ceux qu'il côtoie.
« Vous êtes un délicieux mélange de contradictions, comme une association de sucre et de sel inconvenante. »
L'aîné jette à sa montre de poignet un regard à la dérobée, puis poursuit, un terrifiant croissant de lune à la place de la bouche :
« Si je vous invitais à dîner, ce soir ? Rien ne vaut une salade et un bon cru pour parler affaires. »
Article ajouté le Lundi 05 Juin 2017 à 15h52 |
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