Du texte, du texte...
Quelques textes qui traînaient dans mon ordi, je me disais que ce serait bête de les laisser prendre la poussière. Ils n'ont pas forcément de lien les uns avec les autres, c'est un peu un mélange de tout et de rien. Et surtout de rien, parce que certains d'entre eux ont été écrits sans réfléchir, autour d'idées abstraites. Les deux premiers sont issus d'un projet de nouvelle pas encore abouti, mais sur lequel je travaille occasionnellement. Le reste, ce sont des délires décousus de mon esprit.
Quand je serai grand...
Il avait un parfait look d'escroc, et malgré ça, une sorte d'admiration idiote naissait dans mon esprit chaque fois que je posais les yeux sur ce type. J'étais impressionnable, à l'époque, et peut-être que ça suffit à excuser le fait que j'aie pu admirer un gars pareil. C'est qu'au fond, il avait comme un semblant de classe, derrière son sourire goguenard et sa cigarette fumante entre les doigts. Son costard était pas trop mal coupé, j'aimais bien ce gris foncé qui avait la couleur de la route goudronnée quand le soleil tapait durement sur la chaussée. Et la pince de sa cravate brillait d'un éclat aussi lumineux que l'auréole d'un ange. J'aimais bien sa façon de porter son chapeau melon, légèrement incliné sur un côté, de sorte qu'on pouvait voir ses cheveux rouquins qui luisaient, eux aussi, qui prenaient une nuance dorée sous les rayons du soleil. Je me souviens quand je l'ai vu pour la première fois ; il était adossé au mur, les yeux plissés, cigarette à la bouche, et il écoutait attentivement la radio qui retransmettait un discours ou un truc dans ce genre-là. Il a posé les yeux sur moi, et il m'a dit, sur ce ton désinvolte mais ferme : « Va jouer ailleurs, petit, les trucs de grands ne te regardent pas. » Et j'ai su à ce moment-là que je voulais devenir comme lui, quand je serais grand. Sans raison. Absurdité mêlée à une idée limpide.
Une grande dame
C'était une grande dame, et c'est peu de le dire. Pas grande au sens strictement physique du terme. Oh, c'est sûr, du haut de ses talons, elle devait bien rivaliser avec mon mètre quatre-vingts, mais ce n'est pas le propos. Elle avait quelque chose, un truc que les autres femmes n'avaient pas, et même en regardant bien je n'étais pas sûr de pouvoir réellement mettre le doigt dessus. Une prestance, peut-être. Elle avait le maintien droit des nobles dames, la tête haute, le menton légèrement vers le haut, et ce regard dirigé vers, quoi, l'avenir ? Peut-être, peut-être pas. Qui sait. Elle-même, le savait-elle ? Je crois qu'à la vérité elle n'était pas si grande. C'était sûrement moi qui la mettais sur un piédestal, parce qu'à mon sens elle méritait d'être élevée, au-dessus de la foule grouillante, comme une reine ou même comme une déesse. Ouais. Une grande dame, ça c'est sûr...
L'ombre de l'ombre d'une ombre
Un mélange incompréhensible de choses dégoûtantes qui ensevelissaient mon être et drainaient toute mon énergie vitale. On eût dit un genre de mélasse noire qui recouvrait mes mains, et j'avais beau gratter, griffer, gratter encore et griffer toujours, rien n'y faisait, je ne voyais plus ma peau blanchâtre sous cette couche noirâtre qui était humide avant et totalement sèche maintenant. Et la chose. Et le créature qui me poursuivait depuis mes plus noirs cauchemars, hein, et cette créature, où était-elle à présent ? Partie ? Non. Pas partie, non, quelque part par ici, tout près. Tout près à me guetter à m'épier à m'espionner à m'attendre même, pour me dévorer me lacérer me couper me frapper me... tuer. Ricanement. Puis rire. Me tuer. Me tuer. Je n'étais déjà plus que l'ombre d'une ombre. Je ne voyais rien, sinon mon ombre. L'ombre de l'ombre d'une ombre. Perdu. Fini. Rien. Je n'étais rien. Voilà. Du noir. C'est tout. Noir. Noir d'encre. Et plus de créature. Rien.
Des mots sortis d'une plume
Elle se laissait bercer par la plume qu'elle tenait dans sa main gracile ; la plume donnait le rythme, la main suivait, obéissait aveuglément. L'encre suintait de la pointe, s'imprimait dans le papier jauni, humide, et finissait par sécher. Ainsi elle devenait immortelle, gravée éternellement dans la fine, fragile feuille. La fille aimait ça, écrire. Les mots qu'elle couchait sur le papier n'avaient pas de sens, ou du moins aucun sens pour les yeux étrangers qui se poseraient dessus ; ils avaient un sens pour elle, un sens particulier mais un sens quand même. Ils signifiaient l'émotion et la passion et peut-être l'amour, parce qu'elle nourrissait un amour inconditionnel pour les mots. Pas pour ce qu'ils voulaient dire ; pour les mots eux-même. Elle aimait les mots, les jeux de sonorités ; qu'importe les phrases lorsque l'on a les mots, qu'elle disait. Les mots, toujours les mots. La source de la beauté du langage. Et elle couvrait des pages entières de ces suites de mots qui n'avaient au final ni queue ni tête, mais qui symbolisaient cet amour intarissable.
Article ajouté le Vendredi 23 Décembre 2016 à 15h55 |
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