Titre
C'est avec beaucoup d'impatience que je me rendais à la tente de Papa. Moi, Plume, jeune fille tribaliste, avais enfin 17 ans, l'âge où chaque enfant de toute tribu de Terre Gelée, notre île, devait attendre de connaître son fétiche. Ainsi, j'allais devoir attendre que le conseil se réunisse, parlemente et décide quel Pokémon allait être mon Pokémon fétiche, à savoir celui qui me correspond le mieux. Peu importe la réponse, chaque membre de chaque tribu l'acceptait sans discuter car, à cet âge là, nous avons très peu d'expérience, et ledit Pokémon nous est très souvent inconnu... Ainsi, c'est en partant à sa recherche que l'on découvre notre fétiche, et libre à nous ensuite de méditer sur le choix du conseil. Bien évidemment, le conseil est constitué de chaque membre adulte de la tribu; il ne peut être considéré comme complet que lorsque chaque personne apte à y participer y a pris place. Ainsi, dans notre petite tribu de littoral, il compte une cinquantaine de personnes, hommes et femmes. (Bon, dit comme ça, ça a plutôt l'air d'être un truc de gamin, c'est vrai. Mais ça se corse ensuite. Les explications viendront.)
Je traversai donc un campement totalement vide. Notre camp est simple: les tentes sont disposées de manière anarchique, à l'intérieure d'une enceinte limitée par une simple clôture, délimitant notre terrain. A l'exception de la grande tente du conseil, au milieu du terrain. Notre tribu est par contre bien placée. Un accès facile à la mer, permettant d'avoir accès à du sel inépuisable, ressource importante pour nous, car, en mélangeant du sel avec une sève d'un arbre qui pousse en masse par ici, nous obtenons un textile semblable à de la peau épaisse. Tisser de la laine par-dessus donne des vêtements incroyablement chauds et recherchés, laine bien sûr obtenue avec nos quelques échanges. Quant à la nourriture, et bien, nous vivons de la cueillette de baies et autres végétaux dans la forêt plus à l'est. Impossible d'en faire la culture ailleurs: seule la terre fertile de la forêt permet une telle action. Bizarrement, les tribus plus au nord ont accès à une terre fertile et font des cultures malgré le temps... Le sel en excès chez nous, sans doute. Mais la forêt fournit assez pour nous, donc ce n'est pas un problème.
J'avançais en regardant tomber des flocons gros comme des plumes, écoutant le bruit de mes pas dans la neige. Car l'île de Terre Gelée porte bien son nom: c'est une île tout de glace et de neige, parsemée de tribus isolées, et même dans notre tribu, il est impossible de penser sortir sans sa tenue complète, sous peine de mourir rapidement de froid. Tribu dont les seules visites régulières sont celles des jeunes passant à l'âge adulte et des quelques troqueurs venu échanger des produits du nord contre ceux du sud: le plus souvent du sel et du bois contre des métaux et de la laine. Le climat devenait de plus en plus froid en montant, et notre campement se situe à l'extrémité sud de l'île. La tribu la plus proche se situe à une semaine de marche vers le nord, après une zone de désert gelé, un no mans land battu par de fréquentes tempêtes très violentes, où il n'est pas rare de voir un compagnon devant soi disparaître en quelques secondes, invisible à cause d'un blizzard soudain, selon les dires. Ainsi, il est de coutume de faire la traversée à plusieurs personnes attachées par une corde, si un voyage important est nécessaire.
Tout le monde était occupé, au camp: les adultes dans la grande tente du conseil. Les enfants dans leur tente respective. Sauf Papa, car il était le chef du village, il devait s'y rendre en dernier. Et moi, fille du chef, sortie de sa tente sur ordre de Papa, qui m'avait demandé de prendre l'air un moment pour me calmer... J'étais encore plus excitée, malgré l'air de la mer. Et la température.
Ayant traversé le campement, de la mer jusqu'à la tente du chef, la plus humble qui soit, je pénétrai dedans, cherchant Papa du regard. Je regardai à gauche, à droite, personne. J'allais me retourner lorsque j'entendis des pas discrets s'approcher de mon dos: c'était mon père. A son habitude, il allait me jouer un tour dont il avait pris plaisir, mais pas moi... Je voulus me retourner, trop tard: un coup de genou dans le haut de la cuisse suivi d'une clé de bras m'immobilisa rapidement... Mais au moment où il allait remonter mon bras d'un coup sec pour me forcer à m'agenouiller, je me penchai en avant: emporté par sa force phénoménale, Papa me roula sur le dos et s'effondra devant moi. Alors, comprenant que j'avais enfin réussi à contrer son offensive, il accepta ma main tendue et se releva avec un rire franc mais bruyant.
"-Bravo, Plume! C'était... renversant!
-Papa...
-Je plaisante, tu sais bien. Mais je vois que tu as bien appris, avoua-t-il.
-Je ne tiens ça de personne.
-Menteuse! dit-il en souriant.
-Mais je te jure!
-Allons. (Il me caressa mes longs cheveux blonds.)
-En fait... J'avais compris que je ne te vaincrai pas avec ma force. Autant utiliser la tienne.
-Donc c'est moi qui t'ai appris comment me vaincre, et sans le vouloir? Je ne suis pas encore totalement inutile, on dirait.
-Mais arrête de dire des choses comme ça! Ce n'est pas parce que tu as cinquante ans que tu dois dire des bêtises.
-Tu as raison, dit-il en soupirant. Donc tu connais la règle. Ne sors pas de la tente tant que le conseil n'aura pas décidé.
-D'accord, Papa. Et accélère, tu es quand même le chef de la tribu."
Il me fit signe de la main et sortit de la petite tente. Quant à moi, je restai là, à fixer le sol. Qui allait me choisir le conseil? Je ne connais strictement rien aux Pokémon. Hormis les rares à s'aventurer sur la plage ou près de la tribu, je n'en connais presque aucun. Et puis, venait la seconde partie du passage à l'âge adulte. La coiffe. Car une fois mon fétiche connu, j'allais devoir partir de ma tribu pour en trouver une autre, prête à m'aider pour ma tâche: confectionner une coiffe à l'effigie de mon fétiche... Bien sûr, l'aide de la tribu qui m'aidera ne se limite qu'à une chose, me fournir le matériel nécessaire... Par exemple, Papa m'a raconté quel mal il avait eu avec la sienne: son fétiche, le Gueriaigle, car celui qu'il avait trouvé ne s'était pas laissé approcher avant un bon mois. Papa avait fini par obtenir sa confiance en sauvant ses petits, bloqués sous une épaisse couche de neige tombée d'un arbre. Il m'avait raconté comment la mère était tellement impuissante à creuser la poudreuse, à cause de ses serres. Même à coup de vent, la neige ne voulait pas bouger, et c'est alors que Papa finit par les déterrer, à la main. Bien qu'il failli y laisser des doigts, il obtint la confiance tant recherchée du Pokémon qui accepta de poser sans bouger de longues heures. C'est depuis ce jour que Papa porte une magnifique coiffe blanche et bleue, dont la moitié d'un bec jaune masque la moitié supérieure de son visage. Mais je me posai toujours la même question, mon fétiche, allais-je le trouver? Se laisserait-il faire ou pas? Mais pire encore. Et si je n'arrivai jamais à la prochaine tribu?
Perdue dans mes pensées, je m'allongeai sur mon lit de laine. Je vérifiai l'état de mes vêtements. Ma tenue, en parfaite état, était unique, comme celle de chaque tribaliste: elle était constituée de nombreuses plaques de cuir végétal, recouvertes de poils en laine, ce qui la faisait ressembler à des plaques de peaux cousues ensembles, ce qui tient bien plus chaud qu'un vêtement constitué d'un haut et d'un bas. Cela formait une tunique blanche, portée par-dessus des vêtements en textiles unis, plus légers. Et, bien sûr, le tout était fini par une cape en tissu laineux blanc uni, assez large pour camoufler son porteur dans la neige: on n'est jamais trop prudent, m'avait dit Papa. Enfin, niveau lavage, cette tenue était le top: les taches les plus tenaces partaient facilement, elles glissent tout simplement des vêtements. De plus, les poils ne partent pas. Pourquoi? Je ne sais pas. Mais d'autres le savent, j'irais leur demander, un jour.
Incapable de dormir, je me demandai quand le conseil aurait enfin décidé. Habituellement, il met deux heures à choisir. Ensuite, mon père viendra m'annoncer le choix qui a été fait, puis viendra le moment de quitter le village: seule. Juste mon père pour me dire au revoir. Car oui... Je n'ai jamais eu vraiment d'amis. Même pas d'amies. J'ai passé toute mes journées seule, avec, des fois, Papa, très pris par son poste important. Pourquoi? Je lui ai demandé un jour. Il a mis du temps à répondre. Puis il a dit: par jalousie. Je n'ai pas cherché plus loin: si il ne veut rien dire, il ne dit rien. Au moins, un des avantages de la solitude, c'est que l'on n'a pas de responsabilités envers les autres, et plus de temps. Personne à qui dire au revoir, à rembourser, aider, avec qui passer du temps... Alors on utilise ses mains et sa tête. Pour ma part, j'ai commencé à jouer, un jour, avec un long bâton. J'ai toujours aimer le faire tourner, entre mes doigts, autour de moi. Alors, un jour où j'avais fauché les jambes de mon père sans le vouloir, il partit du village pour plusieurs jours. Lorsqu'il revint, c'était pour m'offrir un long bâton d'un blanc immaculé, comme nos capes. En plus d'être incroyablement solide, il était très léger. Je l'ai toujours. En quatre ans, il a toujours tenu les chocs non voulus, les chutes et autres...
Alors je pris mon bâton et commençai à le faire tourner. D'abord à deux mains, puis à une, à tour de rôle. Depuis le temps, c'était un jeu pour moi. Un double avantage de ce bâton, c'est de pouvoir marcher et se défendre avec. La solidité de mon bâton était telle qu'il pouvait casser la glace... Imaginez sur une tête. Je continuai de m'entraîner, et les temps passa rapidement. Trop rapidement...
Papa arriva enfin. Il avait les mains dans son dos, et, avec un air sérieux et grave, accentué par la coiffe qu'il portait. J’arrêtais de faire tournoyer le bâton et m'approchais de lui, et il me souffla à l'oreille:
"-Absol."
Voilà donc un vieux brouillon qui mérite lecture et commentaires. Vous en pensez quoi? Lâchez-vous!
Article ajouté le Vendredi 06 Janvier 2012 à 22h47 |
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