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de Sélenda

                   



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One-Shot : Souffrance
Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.

Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère laissa tomber ces mots :




« Tu ne peux pas comprendre ! »

Surprise, je sentais les larmes me venir aux yeux. Moi, avec tout ce que j'ai vécu, ne pas comprendre ? Comment ça, pourquoi ?

Je l'aime. Depuis le premier jour, je l'ai aimé. Ensemble, nous avons joué, ri, pleuré. Ensemble on s'est battus, soutenus, protégés, disputés. Ensemble, comme un et un font deux, et puis lèvres se sont effleurées, et puis nos corps se sont mêlés...
De douces promesses et des baisers, une passion à en perdre la tête, des soirées mémorables, et puis le temps a passé. Et puis maintenant... maintenant ?
Je suis là, devant toi, et tu ne m'écoutes pas. Les larmes brillent au fond de mes yeux, dont le bleu électrique est devenu gris terne depuis que tu m'as quittée. Ô compagnon de mon coeur, regardes moi, que vois-tu, que sens-tu ?
Pourquoi, pourquoi enfin, est-ce que tu ne m'aimes plus...
Crois-tu que toi, briseur-de-coeur, tu peux me comprendre ?

« Tu ne pourras jamais me comprendre ! Et moi, jamais je ne te comprendrai non plus.
-Pourquoi ?
-Je ne suis pas humain. »

Les yeux qui pétillent. Les commissures de mes lèvres qui se soulevèrent légèrement. C'était quoi cette idiotie ? Bien sûr qu'il l'était, nous l'étions tous. Lui, moi, mes camarades... C'était ainsi.

« Tu mens.
-Non, je ne mens pas. À ce que je sache, malgré que je sois sorti avec toi pendant plus d'un an, je ne t'ai jamais raconté mon passé à ce que sache, n'est-ce pas ? »

C'était vrai, et le trouble envahi mon esprit. Qu'allais-t-il me dévoiler, lui qui fait tant de mystère ?

« Tu sais que ma soeur est un bébé-éprouvette ? Eh bien, moi aussi.
-Tu n'en est pas moins humain.
-C'est vrai. Cependant, si j'étais humain, je ne serai pas ici avec toi, je serai mort.
-Que veux-tu dire... »

Et il avoua tout.

« Nano-technologie. J'étais voué à une mort certaine, les gens qui s'occupaient de ma mère l'ont vu. On vérifie toujours, maintenant, si le bébé à naître se porte bien. Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé. Tout ce que je sais, c'est qu'ils en ont parlé avec mes parents, et qu'ils leur ont proposé de faire une sorte d'opération sur moi, qui me laissait trente-deux pourcents de chances de survivre. Sans cela, disaient-ils, j'étais voué à une mort certaine. Alors, mes parents ont accepté.
-C'est des cracks. »

Je refusais de le croire. Et puis, qu'est-ce que ça changeait ? Un être issu de deux humains est un humain. Ainsi va la vie.

« Ne me crois pas si tu veux. Il me manque une partie de mon cerveau, à l'arrière du crâne. Pourquoi crois-tu que ma mémoire est si peu développée ? D'ailleurs, ce n'est pas le seul changement que tout cela à opéré. J'ai attrapé des maladies étranges, qui ne portent pas de nom. J'ai attrapé la jaunisse, et ça a réussi à modifier légèrement mon ADN. Tu ne t'es jamais demandé pourquoi un simple charentais pouvais avoir une peau si bronzée ? D'ailleurs, j'ai de l'ADN de Groret, tout simplement parce que les cochons sont les animaux dont l'organisme est le plus compatible avec celui de l'homme. Je vois le spectre de la lumière blanche à l'oeil nue. Mon sens de l'odorat est plus développé que le vôtre, et mon ouïe aussi. Je n'aime pas les pâtes natures car j'ai l'impression de manger de la farine et que si je crache, un nuage blanc sortira de ma bouche. Je peux reconnaître n'importe quelle matière uniquement en l'effleurant du bout des doigts, et j'ai une perception très forte de la température. Mes os ont du mal à s'adapter à ma morphologie, c'est pour ça que j'ai des problèmes aux genoux. C'est pour ça aussi que les médecins sont éberlués de voir que malgré leur état, je tiens encore debout. Mes muscles sont sous-développés, et je suis très maigre, comme tu le sais déjà. Nous sommes six ainsi dans le monde. »

Doute. Il est vrai que la médecine a fait de nombreux progrès ces derniers temps. Que ce soit la médecine Pokémon ou la médecine humaine. Je suis troublée, indécise. Il semble sincère, les larmes coulent le long de ses joues, mais comment le croire ? Et puis... non ! Je ne veux pas le croire, je refuse de l'envisager ! Oui... si je fais cela... Jamais il ne pourra s'exécuter. C'est trop abstrait.

« Prouves-le. »

A ma grande surprise, il me regarda droit dans les yeux. Un frisson parcouru ma nuque, comme une douche glacée. Ses yeux... Depuis longtemps, j'avais remarqué que ses yeux changeaient de couleur. Mais pour la première fois, je me figurais que ce n'était peut-être pas normal...

Il prit ma main.
Je sursautais et rougit. Puis machinalement, je commençais machinalement à lui frotter la paume du bout des doigts.

« Trente-sept trois.
-Pardon ?
-Température de tes doigts, trente-sept trois. Trente-sept quatre, si tu continues de frotter. »

Mon sang se glaça et je le regardais d'un air mi abasourdi, mi apeuré. Il l'avait prouvé ? Vraiment ?! Il retira sa main et ferma les yeux.

« Température de la pièce, treize degrés. »

Et je me décidais à le croire.

« Mais, comment c'est possible ? C'est tellement invraisemblable... Mais, tu n'as pas de traitement !
-Bien sûr que si. Dans ma nourriture, déjà, et je vais régulièrement à l'hôpital pour faire des tests. Puis ils me traitent.
-C'est douloureux ?
-Au point qu'ils doivent m'attacher à un brancard pour m'empêcher de me tordre de douleur et de bouger. Je crie, je pleure, je souffre. Si je ne le prends pas, mon corps se dégrade et je meurs dans le mois qui suit. Ça te va comme réponse ? »

Alors là, non, ça ne m'allais pas du tout. Mes yeux s'emplirent à nouveau de larmes, alors que j'imaginais le compagnon-de-mon-coeur subir les pires souffrances. Que je l'imaginais diminué par la contrainte de son traitement, comme un diabétique...

« Qui est au courant ?
-Mes parents, toi, et moi. Même ma soeur ne le sait pas. On lui a caché. A moi aussi, jusqu'à il y a quelques années, on me l'a caché.
-Impossible. Comment on a pu te le cacher avec ce que tu subis lors de tes traitements ?
-En manipulant mes souvenirs, et en me provoquant une amnésie de quelques heures. Je ne me souvenais absolument pas de ce que j'avais fait de ma journée, ni que je l'avais passé à l'hôpital. Seul restait la douleur, les courbatures, pendant une semaine. Sans jamais savoir pourquoi, soudainement, j'avais si mal.
-Pourquoi gardes-tu un secret si pesant ?
-Idiote ! Par peur d'être rejeté !
-Alors, pourquoi tu me l'as dit, à moi ?
-Je ne sais pas. Je dois sûrement avoir en toi une confiance aveugle... »

Sourire. Oui, aveugle, c'est le cas de le dire. Aveugle comme moi je suis aveuglé par son amour pour lui. Ce qui est ironique, c'est que mon prénom signifie justement "aveugle" dans une langue ancienne. Comme quoi, je porte bien mon nom. Mais je suis contente d'être au moins apprécié sous cette forme, contente d'avoir sa confiance malgré tout, lui qui est si méfiant ! Non. Décidément, je ne pourrai jamais le rejeter, il à raison. La question ne se pose même pas. Je l'ai aimé comme il était, et maintenant que je connais sa vrai nature, je l'aime encore. Comment pourrait-il en être autrement ? Il n'a pas changé, il est le même jeune homme qu'hier ou qu'avant hier, il a toujours été ainsi, et je l'ai toujours aimé. Pourquoi ça changerai ? Ceux qui le rejetteraient sont des crétins finis.

« Et combien de temps vivra-tu ?
-Jusqu'à cinquante-trois ans environ. J'ai gagné dix ans déjà, je ne pense pas que je vivrai plus longtemps. Je te préviens, si tu le dis à quelqu'un, tu es une fille morte. Au sens propre. »

Mon sang ne fit qu'un tour. Message reçu, personne ne le saura. Jamais. Mais comment m'évader, comment vivre avec ce poids de plus sur mes épaules ? N'avais-je pas suffisament d'ennuis à moi seule, pour qu'il en rajoute une couche ? Comment me délivrer de ce poids sans trahir sa confiance ? La vie a un goût amère... Je pleurai mon amour perdu, celui qui m'avait sauvé la vie, celui qui m'avait appris de nombreuses valeurs oubliées. La joie de vivre, l'amitié, la famille... Celui qui m'avait fait connaître amour, inconnu, et bonheur, oublié depuis si longtemps.
Et ses rêves ? Ses rêves de mariage, d'enfants, d'amour et de famille ? Lui qui ne vivra que peu, que va-t-il faire ? Trouvera-t-il quelqu'un qui acceptera de l'épouser en sachant sa mort si jeune ? Le cachera-t-il ? Et ses enfants, les trois enfants qu'il désire tant, qu'en fera-t-il, lui qui aura à peine le temps de les voir grandir ?
Et il était condamné, et je ne pouvais rien y faire... La tristesse et le remords me mordent le coeur. Mes épaules se voûtèrent sous le choc. Ô Arceus, où que tu sois, pourquoi tant d'horreurs ? Pourquoi ne puis-je pas prendre sur moi le fardeau qui m'accable, alors que je le souhaiterai ? La vie n'est que misère, ça me sera moins insupportable de mourir à le moitié de ma vie. Sentiment d'impuissance. J'aimerai te suivre au bout du monde, être ta gardienne, être ton Altaria et avoir des ailes, pour pouvoir t'envelopper dans le duvet de mes plumes chaudes. J'aimerai d'un regard, d'une caresse, pouvoir te redonner confiance et espoir. J'aimerai te protéger de la mort, de la vie, de la douleur. Te protéger des autres et de toi-même. Te protéger de moi, aussi... Pourquoi, pourquoi, POURQUOI !
Comment trouver les mots, comment te dire, te promettre, te rassurer ? A quoi bon redessiner le monde, inventer un langage ? Il n'y a pas de mots pour décrire ce que je ressens. Pour décrire mon amour, ma peine, ma culpabilité, mon impuissance. Il n'y en a pas, et il n'y en aura jamais.
Ô, mon amour, pourquoi tout ce temps perdu ? Rappelle-toi tout ces bons moments passés, à batifoler, toi et moi, nous, si heureux ? N'aurai-je donc plus jamais le droit de sentir la chaleur de tes bras, la douceur de ta peau, de sentir ton odeur sur moi ? Ne pourrai-je jamais plus sentir mon coeur bondir lorsque tu me volais un baiser, ? Toute cette félicité que tu m'as donné, étai-ce pour mieux me l'enlever, et me faire souffrir, souffrir sans cesse ?
Pourquoi tout ceci ? Pourquoi tu ne m'aimes plus, pourquoi tu me repousses, me rejette ?
Pourquoi t'éloignes-tu, ami ?



« Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices,
Suspendez votre cours !
Laissez nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

« Assez de malheureux ici-bas vous implorent :
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.

« Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : "Sois plus lente" ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.

« Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! »

Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à long flots nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?

Hé quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passé pour jamais ? quoi ! tout entiers perdus ?
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !


Le Lac
, Alphonse de Lamartine, Méditations Poétiques.
Article ajouté le Samedi 09 Avril 2011 à 20h46 | |

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