J'ai commencé à écrire une fanfic dont l'idée de base est qu'un cynique ne croyant à rien arrive dans le monde Pokémon.
J'ai essayé d'introduire les deux personnages principaux (Alan et Bryan) en évitant au maximum les descriptions mais je ne suis pas sûr que ça passe
"Dis Alan, tu n'en a pas marre?"
Cette question me força à relever les yeux de mon sandwich thon-mayonnaise.
"Marre de quoi, Bryan?"dis-je en regardant mon interlocuteur finir son propre sandwich.
"De manger un sandwhich tous les midis? De ne rien faire de ta vie? D'avoir fait 20 ans d'étude pour étudier des algues qui n'intéressent personne?"
"Ne caricature pas. Y'a des gens qui s'intéressent à ces algues".
Bryan me lança un regard incrédule.
"Toi peut-être, Alan? Elles t'intéressent, ces algues?"
Je n'appréciais pas vraiment cette question. De fait, je n'avais vraiment pas enve d'y répondre. Peut-être parce qu'elle touchait un peu trop juste. Non pas que les algues rouges en décomposition que nous étudiions étaient tellement inintéressantes, simplement...
Je m'étais imaginé le métier de chercheur comme étant un poil plus, comment dire, vivant?
Je n'avais certainement pas pensé, en tous les cas, que je passerais mes midis à manger des sandwich thon-mayonnaise. Naïf.
Bryan me jeta un regard inquisiteur. Il voulait vraiment que je réponde à sa question, l'idiot.
"Oui Bryan, elles m'intéressent, ces algues. Je peux finir mon sandwich, maintenant?"
Il soupira.
"Tu sais Alan, être honnête avec soi-même, ça peut faire du bien, des fois".
Et sur ce, il se leva, jeta son reste de sandwich à la poubelle et quitta la cafétéria. Probablement pour me faire méditer sur ses sages paroles.
Ou me laisser finir mon sandwich.
Honnête avec moi-même? Je suis honnête avec moi-même. C'est avec toi que je ne le suis pas. Pff. Naïf.
Car honnêtement, de quoi pourrais-je avoir marre? J'avais un chat, une console de jeu et les jeux qui vont avec... J'avais même le métier dont je rêvais enfant... Un salaire, un appartement...
Mais ta console date de 3 ans, tes disques de jeux sont rayés, ton métier est moins bien que ce que te tu t'imaginais, ton salaire est misérable et ton appart', microscopique.
Bah, il me reste mon chat.
Je m'étais levé, avait fini mon sandwich et retourné bosser. J'avais retrouvé Bryan, évidemment, mais nous n'en avions pas rediscuté. Ce qu'il y avait à dire avait été dit, je suppose.
Et pourtant, en me lavant les dents devant le miroir de salle de bain, je n'avais pu m'empêcher de repenser à ce qu'il avait dit.
"Ne rien faire de ma vie?"
Je me regardais dans le miroir. Déjà 36 ans, des cernes sous les yeux, un physique peu avenant... Je ne m'étais pas laissé aller, et pourtant, j'aurais juré qu'un bidon était en train d'apparaître sur mon ventre.
Pas étonnant que je n'ai jamais pu trouver une fille avec qui sortir. Ou peut-être que ça avait plutôt un lien avec le fait que je n'en connaissais aucune, puisqu'il n'y en avait pas au boulot. Va savoir.
Et c'est en me couchant ce soir-là que je me rendis compte que j'aurais tout donné pour recommencer. Game over, try again. T'as de la chance, il te reste des vies, tu peux restart. Pff. Nerd.
J'éteignis la lumière. Demain, boulot.
***
"... c'est bien ça, Alan?"
"... Mmh?"
Le jeune homme en face de moi, John, poussa un long soupir.
"Tu pourrais m'écouter quand je te parles."
"Excuse-moi. Tu peux répéter?"
Je n'avais dit ça que par politesse. Je n'avais aucune envie de passer un dîner entier avec lui mais, quand le fils de ton proprio te fait une telle demande, refuser est généralement difficile.
"Je disais que ton métier devais être très intéressant. Tu es chercheur, c'est ça?"
"Oui."
John poursuivit, ignorant délibérément mon manque d'intérêt dans la conversation.
"Et donc, tu passes ton temps à essayer de faire avancer la science, hmm? Ca ne doit pas être facile, non?"
Pour la première fois du dîner, je levais les yeux de mon repas pour le regarder.
"Qu'est ce qui te fait dire ça?"
"Si tout pouvais être expliquer par la science, ça serait facile, sans doute. Mais ce n'est pas le cas."
Je compris soudainement où il voulait en venir. Il ne m'avait probablement invité à dîner que pour ça.
J'allais sûrement passer la prochaine heure à entendre les même arguments idiots, rebâchés depuis des temps immémoriaux par des abrutis de son genre et cela m'énervait d'avance. J'essayais tant bien que mal de dissumuler le proond soupir que j'avais tellement envie de laisser échapper.
"... Les fantômes, les télépathes, et j'en passe... La science ne peut pas expliquer tout ça, n'est-ce pas?"
Je décidais d'aller dans son sens. C'est généralement l'unique façon de faire taire un mec pareil.
"Oui. On n'est toujours incapable d'expliquer ces phénomènes."
J'aurais voulu ajouter "Ce qui est logique, puisqu'ils n'existent pas", mais cela n'aurais fait que ralonger la discussion.
"Ils existent! Il y a des témoins! Des photoghaphies, même..."
Il me fallut quelques instants pour comprendre que j'avais parler à haute voix. Merde.
"... des gens plus intelligents que toi les ont vus."
Il avait dit ça avec un petit sourire narquois.
Je ne sais pas pourquoi il avait décidé de m'énerver ce soir-là. Peut-être qu'il avait filmé l'échange et qu'il espérait montrer ça à sa mère pour me faire virer de l'appart'. Ptet qu'un pote à lui avait besoin d'un endroit ou dormir.
Quoi qu'il en soit, il avait tout à fait réussit! J'étais énervé. Mon self-contrôle légendaire était maintenant tout ce qui se tenait entre moi et la rue.
"Ecoute John, y'a pas 36 solutions: soit on peut déjà l'expliquer par la science, soit la science l'expliquera un jour, soit ton 'phénomène' n'existe pas!"
Okay, j'étais pas si énervé que ça.
John secoua la tête d'un air qui voulait manifestement dire "Mon pauvre ami, t'es trop con".
"Quel cynisme honnêtement, ça me désole. Vous vous dites scientifiques mais vous ne pouvez pas accepter des faits qui contredisent ce que vous croyez. C'est plus de la science, c'est de la religion".
Voilà, il fallait qu'on en arrive là. Vous savez, ce point de non-retour de la conversation. Le Graal des casseurs d'ambiance. Ce moment où quoi qu'on dise, on sera en désaccord avec l'autre.
"Je pourrais dire exactement la même chose de toi et de tous les autres abrutis qui répètent les mêmes arguments vaseux à longueur de journée."
Err. Je suppose qu'on pouvait difficilement aller plus loins dans le désaccord sans insulter nos mères respectives et cela n'aurait pas été une bonne idée. Du tout.
C'est pour ça que je suis parti en le laissant en plan.
C'est en revenant chez moi que je me suis aperçu qu'il avait beau être microscopique, j'avais pas envie de le quitter, mon appart'.
Surtout si c'était pour me retrouver à la rue.
L'idée de pouvoir "restart" n'en devenait que plus alléchante.